Scrupules et sacerdoces
Dans la langue française, le son U marque souvent pour moi quelque chose d’un pur accueil ou d’une chute, mu-e dans une profonde rune, nu-e comme l’âme, cru-e comme la lune ou dur-e comme une lame.
Tandis que le futur humain déjà susurre rupture, le cumul de pestilents pistils – pardon, je voulais dire des pustules ! et des trucs cucul ou des purulences sans humus me mure rudement dans le silence. Mais l’écriture ou le murmure des forêts, ça dure et ça mûrit. Bref*. Je voulais parler pour commencer des scrupules, qu’avec un camarade nous avons pointés comme de terribles plaies en même temps qu’un possiblement chouette instrument du doute, si on ne le confond pas avec soi : si on les prend comme les indicateurs d’une nouvelle voie.
Les scrupules scrutent et pulullent. Ils sourcillent mais ne mouftent guère, ils grimacent mais ne lèvent pas le petit doigt. Ils sont les signaux faibles de la dissonance cognitive. Comme une vague culpabilité, un soupçon de doute désaffecté, un caillou dans le soulier, ils ennuient, gênent – mais n’empêche pas de marcher. On a tellement l’habitude de s’ennuyer en plus ! Pas vrai ?
Les pôles fondent pour de bon, les espèces meurent, l’océan gonfle et les orages grondent, mais à bien des endroits le mental humain poursuit son entreprise de désertification aveugle. Déni de réalité. Scrupule à l’heure du dîner.
Au sortir du labeur ou le matin au réveil, il saisit bien parfois le prêtre, la doctoresse, l’entrepreneur-e ou li chargé-e de mission… l’empêchera-t-iel d’ouvrir la barquette en plastique, de s’abrutir en faisant la fête, d’inoculer la vaccine, de taper du poing sur la table, de prendre l’avion pour les vacances ou le projet solidaire ?
Lecteur-ice attentive-f, ça ne t’aura pas échappé le commun entre les 4 jobs que j’ai dit : celles et ceux qui s’y engagent ne comptent souvent plus leurs journées pareil. L’agenda ne se soucie guère des conventions collectives en vigueur : ‘faut bien faire le taf !
Travail vs ouvrage : heures fixes de la peine à accomplir contre salaire vs résultat à sortir du métier & dont on a fait sa profession (de foi ou d’éthique…) Vacances ? ça existe encore ça ? Oui, pourquoi pas, à condition de rester connecté-e-s. « Pour la vacuité, ben j’ai la méditation, mais j’en profite surtout pour faire le point, j’avoue. J’ai les idées plus claires avec ça ! »
Autre opposition artificiellement liée, de Charybde en Scylla : socialisme productiviste vs pseudo-anarchie libérale : régulation étatique top-down partageant les tâches « équitablement »** vs auto-exploitation de tout le monde par tout le monde à des fins vertueuses mais par des chemins véreux, pervers ou si sévèrement persévérants
Le néo-écolo libertaire & la business-woman libertarienne (ou l’inverse pour les genre et les idéologies) se rejoignent dans la flexibilité stratégique et l’acrobatique souplesse horaire & calendaire.
Sacerdoce ? est-ce qu’il n’y manquerait pas un brin de conscience ?
Militance ou entreprenariat, ok mais « au service de quoi, au fait ? »… Argh !
Sauvetage-de-vies et sacrifices altruiste, ok mais « dans quel monde, en vrai ? »… Ouille !
L’erreur*** de jugement guette à tous les carrefours / aussi
qui s’agenouille devant le mystère d’la vie trois fois / jour.
Non tu crois ?
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* Et vos rhumes, parents Ubu, je n’en ai cure. Ça pue, ça tue bien sûr, et ça remue ce qui restait dans son jus. Au fait, à part « tubulure », « cumulus » et « tumulus », quel autre mot de notre langue s’appuierait sur trois U ? Ne me propose pas l’hurluberlu : il y a du E, eh (^;
** Absurde recherche d’équité égalitaire du mème vert piégé dans l’bleu (wilber)… cf le flyer « Liberté égalité »
J’aime beaucoup les idées que tu entrechoque ici. Les scrupules comme signaux faible d’une dissonance cognitive…
Je m’accorde sur les signaux faible. Quand à la dissonance cognitive, elle me semble de causalité trop sociale et trop emprunte de la normalisation forcée de nos comportements (plus que de notre propre pensée) pour y voir une dissonance individuelle.
Dissonance cognitive de l’intelligence collective, oui plutôt, ou désaccord entre notre Parole intime et le « fait social » qui nous pousse à agir.
Petit neurone que nous sommes plongé dans une masse cérébrale sociétale malade. Petit neurone connecté, qui ne peux réagir que pris dans un courant.
Oui, j’ai nommé « la » dissonnance en passant un peu maladroitement vite, mais ce n’est là qu’une de leurs nombreuses formes… tout pluriel, comme toujours (^;