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Pour que je naisse

Faut-il que jeunesse se passe ?
Faut-il que naissance s’oublie ?
Peux-tu faire patience, espace ?
Veux-tu aimer la vie,
mon amie ?

Ce recueil de contes et de poèmes pour tous les âges est en cours,
Mettons ici-là l’accompli déjà – oui !?

Tonique, camarade, parent : tiens bon dans la panique !

Les gars les filles

– Je suis un gars ! – au chocolat !
– Je suis un’ fille ! – à la vanille !
– Chuis une « demoiselle » – aux vermicelles…
– Je suis un « bon garçon » – soja-citron…

– J’suis un drôl’ d’oiseau – ou un escargot ?
– Moi je suis un ange – et ça vous dérange ?
– Je suis ce que je veux – en rose, en bleu ?
– Parfois ça change – comm’ ça m’arrange !

– J’ai des gros bras ! – Tu as vu ça ?
– J’ai les ch’veux longs ! – Roux, bruns ou blonds ?
– J’ai un’ petit’ voix Oui ? – Et pourquoi pas !?
– Mais ce que j’ai là, moi… tu ne l’sais pas ! – « … »

Fille ou garçon ? Qu’est-ce qui est bon ?
Comment on s’habille ? Est-c’ qu’on se maquille ?
Fille et garçon, jupe ET pantalon : non ?
TouTEs dans la danse, quoi qu’on en pense.

L’enfant qui se grattait jusqu’au sang

Il était une fois une petite fille – à moins que ce fut un garçon, peu importe – qui se grattait jusqu’au sang. Elle se grattait, se grattait, se grattait le cou et les bras, se grattait les cuisses et le front, le haut des fesses et le bas du ventre, jusqu’au sang. C’est qu’à force de gratter et regratter, de frotter racler repasser, les ongles arrachaient, couche après couche, la peau, jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus que ce qui est en dessous quoi, là ou le sang coule. Et ça saignait. Les parents s’inquiétèrent, forcément. Ils l’emmenèrent voir des médecins. Un vieux médecin supposa que c’était à cause de la jeunesse et lui donna des cachets. Un jeune médecin supposa que c’était à cause de la vieillesse et lui proposa des pilules. Un riche médecin supposa que c’était à cause de la pauvreté et lui passa une pommade. Un médecin pauvre supposa que c’était à cause de la richesse et lui appliqua un onguent. Un homme médecin supposa que c’était à cause de la féminité et lui prescrit des piqûres. Une femme médecin supposa que c’était à cause du patriarcat et lui administra des tisanes. Un médecin hyperefficient supposa que c’était à cause de l’ignorance et lui conseilla un sirop à faire soi-même. Un médecin stupide supposa que c’était à cause de l’intellectualité et ne lui donna rien du tout. Et les médecins supposaient, supposaient, et les parents s’inquiétaient, s’inquiétaient, et l’enfant se grattait, se grattait jusqu’au sang. Un jour d’épuisement, le papa dit : « – Et si on partait en vacances ? – Est-ce bien raisonnable ? avec tout ça on n’a plus beaucoup d’argent… répondit la maman – Si on partait à la mer ? dit encore le papa comme s’il n’avait pas entendu – Mais l’eau salée va lui brûler la peau… dit la maman – C’est pas grave, dit l’enfant – Je t’aime, dit la maman Et ensemble les voilà parti-e-s au bord de la mer, la mer qui chante et berce et lave. Les parents s’allongent sur le sable, et aussitôt ils s’endorment. L’enfant est toute seule, alors elle part se promener. Elle marche sur la plage et elle rencontre un jeune garçon. À moins que ce soit une fille, peu importe. Ils se regardent. – Mes parents se sont endormis alors je suis toute seule. – Moi aussi. Viens, on joue ! – D’accord. Et ils se mettent à construire un château de sable. Au bout d’un moment il s’arrête, il la regarde et il lui demande : – Pourquoi tu te grattes ? – Parce que ça me gratte, elle répond. – Et pourquoi ça te gratte ? Il demande. Là elle s’arrête et elle réfléchit et puis elle dit : – Parce que j’ai peur qu’on me touche. J’ai peur qu’on me touche et que ça me fasse mal. – Ah bon ? Mais quand tu te grattes, ça ne te fait pas mal ? – Si. Et là lui, il éclate de rire. Elle se demande un peu si ça va, et puis va, elle se met à rire aussi. Les voilà qui rigolent et se gondolent, se tiennent les côtes et se roulent par terre. Iels rient tant et tant que plus personne ne se souvient plus pourquoi on riait. Et là il se passe quelque chose d’extraordinaire : la mer vient jusqu’à elle. La mer qui chante et berce et lave. Elle coule dans les douves de leur château, avec de l’eau rouge comme du sang. Elle caresse les pieds de l’enfant, qui s’arrête de rire, et s’assied, et se met à pleurer. Et lui, il s’arrête aussi, et il s’assied à côté d’elle pour l’écouter. Elle pleure et pleure longtemps, et lui l’écoute comme ça, les fesses dans l’eau. Puis la mer s’en va et on dirait que c’est fini. Elle se lève, il se lève aussi, et partent jouer, un peu plus loin. Est-ce que tout s’est arrangé ? Est-ce que l’enfant là a cessé, cessé de se gratter, se gratter jusqu’au sang ? Peut-être, et pourquoi pas ? L’histoire ne le dit pas. Ce qui est vrai, ce qui est menterie, comment ça commence et comment ça finit, est-ce que c’est toujours écrit ? Ce que l’histoire dit en tout cas, c’est que les deux enfants sont restés ami-e-s, toute la vie.
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