Fondations / châssis
Ces derniers temps, je me demande ce qui est fondamental.
Pour une socioculture de paix, de quoi avons-nous absolument besoin ?
Je questionne aussi les images et par exemple cette idée même de « fondations ». Ça sonne bien, ça fait solide, mais ça pose : ça assoit quelque chose en même temps. Or la paix dont nous avons besoin aujourd’hui sur cette planète est mobile, elle doit s’ajuster aux rythmes quotidiens d’une société hyperactive, aux aléas de milieux si profondément divers et aux mouvements de population qui accompagnent les catastrophes climatiques, les désastres économiques et les émergences d’alternatives.
Par ailleurs, et selon les principes de l’éducation populaire, il nous faut rendre ces fondamentaux accessibles au plus grand nombre : car que ferions-nous encore d’une culture élitaire, indigeste, exhaustive mais trop encombrante ou lourde pour être partagée ?
De même qu’il nous faut de la « right tech« , aussi enrichie de low solutions et d’outils conviviaux ou simples que possible, il nous faut tisser des communs culturels légers, agiles et souples.
Ainsi, ce ne sont pas tant des « piliers » que nous voulons dresser comme les colonnes d’un temple, que des « roues », des *centres étoilés* qui peuvent être mobiles, qu’on peut emmener avec nous en voyage. Une telle culture doit pouvoir être pour une bonne part orale, et en même temps connectée à ses sources, traditions et références : faire des liens avec l’écrit et / ou le numérique, aller à l’essentiel sans s’interdire la singularité locale mais en préservant surtout le bon sens.
Des fondations en forme de châssis de char à voile ou de roulotte – voire de caravane biopop’ : robuste, fiable et ajustable à différentes architectures légères ou customizes.
Selon les personnes avec qui j’échange, je vois que le « bagage de base » que je préconise change un peu… Et parfois en écoutant telle personne me parler de son expérience, il me semble qu’il faudrait rajouter tel module…
Mais grosso modo, il y a toujours trois échelles, trois modes, trois ouvrages et trois bases qui se croisent, fondant neuf pratiques fondamentales. Ces neuf pratiques me semblent être « ce que tous les êtres humains devraient pouvoir apprendre dans les premières années de leur vie sur terre » sous une forme ou sous une autre.
Trois échelles : la tête, le cœur et les mains.
Trois modes : collectif, intime et solitaire.
Trois ouvrages : simple, essentiel et réciproque…
Trois pratiques de base : l’écoute silencieuse, la parole et le mouvement.
Voilà comment je propose de les décliner en neuf pratiques basiques, en trois points du solo au collectif et (trois fois) des pieds à la tête.
– l’observation des sensations du corps, la co-écoute & la contemplation de la nature.
– la poïémusie, le dialogue créatif & les pratiques restauratives,
– le mouvement présent, le contact & le forum.
Quelques mots sur ces neuf pratiques et leurs sources – chantier en cours – :
Observer les sensations du corps : vipassana, pleine conscience, tipi, eft… etc.
cf. Critikreso à publier et autres. La base de la base.
Co-écouter (les émotions) – cf. l’onglet dédié (où il y a d’autres renvois)
Approfondir surtout la conscience de nos ré-emergences et rejoindre chaque jour le front de libération des émotions.
Contempler la nature : cf. sit spot (8-shields) mais aussi attention permacole à s’inspirer du vivant, pratiques chamaniques et autres néo-paganisme.
Peut se pratiquer sur de longues heures de baignades nues ou de cabanes dans les arbres (d’une zad), mais aussi renversé-e soudain par la beauté d’un cerisier en fleur ou dans un instant de tendresse pour une araignée.
La contemplation de la nature ouvre instantanément l’élan de la poïémusie – et réciproquement – entre autres accès.
Jouer, vibrer, poïémuser : observer et chanter la beauté du langage et des autres sons dans leurs relations rythmiques immédiates avec le monde – et vice-versa.
C’est l’art de l’émerveillement, l’art de l’amour de l’être, l’art de la présence intelligible ou fulgurante… et c’est aussi une pratique simple et quotidienne, commune à tous les êtres de langage et de son, c’est-à-dire non seulement à l’humanité mais pratiquement à tous les mammifères, tous les oiseaux et à nombre d’autres encore.
Du conte griot au chant des baleines, du scat-rap au vent dans les plaines, de l’image fulgurante aux châteaux de sable, de la tradition folk aux mémoires du futur, le poème du monde ne tient dans aucune bibliothèque, et chacun-e en écrit une page.
Dialoguer : la parole à deux ou trois, écrite ou orale, n’est pas la même chose qu’au sein d’un plus vaste cercle. Pense-écoute, conscience réfléchie, jeu de miroir, etc. : nombre de dispositifs aident à discerner l’information et la beauté, la danse du sens…
Un vrai dialogue est toujours transformatif car « écouter vraiment, c’est risquer d’être transforméE à tout jamais » mais aussi parce que « parler vraiment, c’est s’engager dans un nouveau devenir »
Pratiquer la résilience, faire justice : restauratif, restaurateur ou régénérant, le cercle !
Intelligence collective, facilitation, gestion de conflit, etc. Cf. les Sociocultures de paix et l’onglet sur la Justice restaurative…
Incarner le mouvement présent : mouvement authentique ou spontané, chant libre, ritual play, biodanza, « théâtreliés » & autres ateliers-impros de toutes sortes, savoir se laisser traverser, canaliser, entrer dans le flow. Avec d’autres, leurs regards, leurs présences. Transformatif !
Contacter : du tantra à la danse, en passant par la présence du corps aux éléments.
Le regard. La peau. La muqueuse. Le lien d’âme.
Faire forum / consteller : en danse, en images ou en théâtre, représenter notre actualité commune et nos imaginaires et les réfléchir, elleux aussi. Parole là encore, mais cette fois-ci + collective.
- Les rituels et autres pratiques complexes (mandalas, moyeux, feux de joie, danses de paix, etc.) peuvent se retrouver bien sûr diversement dans ces fondamentaux.
- Tous les arts sont conviés au festin où s’ouvrent les cœurs… mais non pas dans leurs versions périmées. Les musées redeviennent des lieux de vie et d’activité en même temps que des lieux d’archive.
- Toutes les religions pareillement sont de la fête de la paix… mais sans dogme, sans croisades et sans intégrisme. J’ai failli dire « sans prophète » : tou-te-s gurus de même que tou-te-s artistes, tou-te-s thérapeutes ! principe de souveraineté. Ça n’empêche pas de chercher les soutiens là où iels sont, et de passer plus de temps à la guitare qu’à la truelle, si c’est mieux ton truc.
- Toutes les sciences enfin sont bienvenues… lorsque ce sont des sciences en effet : c’est-à-dire qu’elles reconnaissent vraiment les champs d’études et les zones blanches, l’ignorance et l’évolutivité. Savant-e, écoute ! nous ne savons pas grand’chose