Un projet pour l’humanité ? #MKP Critikreso #7
Comme dans les 6 précédents critikreso (y compris le cinquième que je publierai demain :°) cet article reprend un extrait de l’avant-dernière section de Sociocultures, mieux agir ensemble !? (cf. onglet dédié) – et comme les autres, il se comprend mieux en lisant le reste du livre. J’ai publié une seconde version de cette prose il y a bientôt un an déjà sur linkedinTM et sur le pit de Mkp France et je n’ai reçu… strictement aucun retour en dehors des piliers de notre i-group, pas même une petite réaction de rien du tout.
« On est si fatigué-e-s de penser » einh ? comme disait Anne Sylvestre. Allez, ça n’empêche certes pas de poursuivre l’ouvrage… J’ai rajouté tout le paragraphe qui concerne la raison d’être, et corrigé un peu le reste dans cette troisième version.
La genèse du Mankind project (MKP) est étonnante, initiée par un poète, un psy et un ex-marine dans la région des grands lacs. CertainEs lui reprochent encore les intentions « anti-matriarcales » de ses fondateurs – mais au début des années 80, les gender studies n’en étaient pas au même stade et surtout « chemin faisant », l’organisation a pris de la distance avec le positionnement initial de ses « pères » contre le féminisme (ou plutôt, contre certains de ses aspects).
Certes, « humanité » peut encore en anglais se dire « mankind » – mais la traduction littérale « race de l’Homme » (grimace) n’est pas bonne. Certes, proposer des initiations non-mixtes aux hommes sans aborder d’emblée l’histoire de la domination patriarcale est « masculiniste », par définition – mais la question du genre est tout de même aussi traitée au Mkp (et pas seulement en renvoyant à « Woman within / sacrées femmes »).
Enfin et surtout, sa raison d’être n’est à mon avis pas sexiste (ou en tout cas, pas au point de ne pouvoir encore servir). Ce qui n’empêche que je peux trouver bien d’autres biais criticables ici ou là dans un tel « Projet humanité ». Cet article va donc naviguer en godille entre le pamphlet et l’apologie – comme ça chacunE pourra au choix me trouver fiable et inspirant parce que bien nuancé, ou imbitable et louche parce que trop contrasté.
Le MKP est un réseau où l’on est très attentifs à exprimer les « missions » qu’on se donne, individuellement ou collectivement, de façon brève et explicite – et ça, je trouve que c’est plutôt une bonne chose… à condition que ce ne soit pas « juste du vent« , et qu’on vérifie avec attention si on les sert ou non. On peut même vérifier si on est pas plutôt en train de servir exactement l’inverse des lumineuses intentions en tombant dans une de nos « ombres » – et c’est justement une pratique recommandée par les leaderEs de là, ça tombe bien.
La super intention du MKP jusqu’à il y a peu se formulait « Changer le monde, un homme à la fois ». On entendait bien ainsi la tendance de ce project à être plus centré « développement personnel » que « transformation sociale », même si les deux mouvements coexistaient.
Dans les façons de formuler à présent les « visions » et les buts de ce bout-là d’humanité mâle, on retrouve le même équilibre – dans lequel je me retrouve bien : qui ne voudrait pas créer un monde meilleur, plus sûr et plus solidaire ?
Mais hélas le discours est une chose… et l’actualité est parfois tout autre : ainsi même un homme intègre sans doute comme Darmanin, qui s’intéresse plus à l’ordre et à la sécurité de fait cependant qu’à la non-violence spirituelle ou aux communes pluralistes, peut se référer désormais -sans s’étrangler- à Gramsci au mahatma Gandhi : on croit rêver non ? … et à l’inverse, même une figure révolutionnaire – non moins intègre et bien plus sympathique nan ? – comme Sankara a bien du accomplir quelques petits trucs limites niveau paix sociale – c’était un capitaine quand même, un militaire dame, un authentique maître de son destin quoi, un homme un vrai, avec des couilles naturelles, mon fils ! – hmm mais… je m’égare. Même ma grand-mère – la première femme médecin-cheffe de service de France à Montpellier au début du XXème siècle – ne me suit plus à ce stade post-conventionnel teinté d’ironie – pardon.
Rappelons pour expliciter cette dernière dérive (anti-sexiste mais limite transphobe /:) que « Burkina » signifie « honneur, intégrité » : des valeurs-clés du MKP on l’aura compris, avec l’engagement et… la conscience, la cohérence ! (°; Allez, « encore un effort » les républicains comme disait un certain marquis, un vrai Père Vert narzi *sic* avant l’heure ?)
L’organisation fédérale du réseau MKP me semble être relativement claire à l’échelle mondiale, et surtout ses actions restent un genre de modèle d’efficacité en matière d’empuissancement. On pourra difficilement reprocher à tous ces hommes-là de manquer d’intégrité et de soutiens mutuels dans leurs missions ! Une fraternité réelle, profonde, tangible, et un ordre clair et sûr sont les deux grands faisceaux de valeurs que le MKP incarne – c’est si rare, un tel accord entre des mecs, que ça vaut bien le détour et les difficultés qui peuvent y être liées. Et – si tu parles anglais ça peut aider – ils sont prêts à répondre aux questions que tu souhaiterais leur poser pour challenger l’organisation : sans quoi pourquoi communiqueraient-ils ainsi leurs numéros de téléphones ?
On peut peut-être reprocher à certains d’entre eux, en revanche, de manquer encore de conscience à certains endroits – et à qui ne pourrait-on le reprocher ? D’ailleurs, cela se soigne mieux en se côtoyant. C’est là même que nous pouvons nous apercevoir que les manques de lucidité sont parfois un peu réciproques ! Je reconnais que je n’ai pas creusé à fond sur les tensions de gouvernance de l’asso française ni sur les fonctionnements économiques à l’international. Je ne suis pas certain d’une parfaite cohérence à tous les niveaux. Au premier abord pour beaucoup d’entre nous, le Mkp peut certes ressembler à un « truc de riches », et le fait que tous les pauvres qui le demandent obtiennent les bourses qu’ils demandent peut même y contribuer (car seul-e-s les riches se permettent ce genre d’« assistance » qui n’a rien d’authentiquement charitable, puisqu’il n’y a pas de sacrifice à l’accomplir).
On ne s’étonnera pas, ainsi, que ce réseau soit surtout implanté dans les vieilles puissances industrielles, le Japon mis à part, et le Mexique, l’Afrique du sud et la Nouvelle-Zélande faisant (compréhensibles…) exceptions.
Ça n’empêche pas qu’il y ait beaucoup à apprendre au MKP sans doute, pour bon nombre de « joyeux couillus » d’occident, bien au-delà de l’« initiation » initiale d’ailleurs, aussi. La culture du secret (et non seulement de la confidentialité, malheureusement !) y est sans doute cultivée avec trop peu de discernement encore, en France tout particulièrement… mais c’est susceptible d’évoluer ces prochaines années, avec nos contributions singulières, la tienne pour commencer (que tu sois cisgenre ou non, ou pourquoi pas queer d’ailleurs : le réseau envisage même à présent des initiations « trans-»).
Cependant, me semble aujourd’hui inacceptable leurs positionnements hyper-conventionnels sur la soi-disant « crise sanitaire »… et sans grande surprise hélas. Pour cela, pour quelques autres déceptions -mineures mais quand même- que j’ai pu vivre dans les relations avec les gars de l’asso, et avec les réserves que j’avais déjà, énoncées ci-dessus, je choisis à présent de me retirer de ce réseau… mais non pas du groupe non-mixtes que j’ai contribué à créer.
Je ne me sens pas l’énergie de participer activement à la gouvernance de l’asso française ni d’exercer mon (contre-)pouvoir en tant qu’ancien ou verseur d’eau (si même je parvenais sans trop d’effort à être reconnu dans ces cercles-là) mais qui sait, notre petit groupe de Bretagne Est contribuera peut-être -entre autres- à un heureux corporate hacking ?
