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Justice restaurative JR#1 / Critikréso #2

Pour qui l’a éprouvée, la justice restaurative peut apparaître comme l’innovation majeure qui viendra recycler tous nos anciens systèmes de régulation policiers et judiciaires. Une telle vision peut sembler utopique… et elle l’est ! Mais les utopies offrent des horizons. L’île de Thomas More1 n’est pas perdue au fond d’un océan, elle émerge en archipel sur nos terres fermes quand les consciences y sont prêtes : et qui sait à quel rythme peuvent changer les consciences ?

Dominic Barter, à l’initiative de cette approche, est lui aussi convivialiste et il est facile d’enrichir, en cherchant sur internet, les éléments sommaires que j’en présente ici2. Les principes de base des systèmes restauratifs sont lisibles en résumé dans ce petit tableau page (un peu binaire sans doute et cavalier vis-à-vis des efforts entrepris par les diverses personnes qui contribuent à notre vieux système judiciaire, mais qui donne tout de même bien les directions).

Système Punitif

Système Restauratif

Origine Acte commis par un individu.
Agresseur / victime.
Acte réalisé par une personne qui fait partie d’une communauté.
Auteur / récepteur.
Stratégie Inculpation, accusation et système de défense (voire déni). Expression mutuelle et prises de responsabilités.
Levier Peur. Volonté de contribuer.
Mise en œuvre Sanction, application de la peine.

Exclusion (au mieux réparation ayant un lien indirect avec l’origine).

Projet d’action.

Remise en lien.

Résultat Cercle vicieux : récidive,
prise de conscience limitée,
méfiance et escalade de violence.
Cercle vertueux : évolution,
prise de conscience aboutie et partagée,
confiance et diminution des tensions.

L’approche restaurative nourrit les besoins de sécurité et de justice auxquels aspire aussi la justice punitive, mais leur associe les besoins de compréhension, de paix et de sens plus vaste, en cohérence avec un système socioculturel lui-même juste et bienveillant.

Elle consiste, avant tout, à clarifier collectivement la communauté en même temps que sa relation au conflit, et à définir la façon de traiter ceux-ci en son sein – outils de dialogues, connexions informelles, médiations simples ou cercles de parole non-violente par exemple – tout ceci étant présenté plus en détail ici, sections 3.5 et 3.6 en particulier. Une ultime étape possible, moyeu d’un système restauratif (ou régénératif, régénérateur, dialogique-conscient, intégratif, etc.), est de convoquer un « cercle restauratif ».

Lorsqu’un sujet le nécessite, un membre de la communauté peut faire appel à une facilitation qui convoque alors et s’entretient avec l’ensemble des personnes concernées. Dans le cercle ainsi rassemblé3, chacun-e des parties présente son point de vue, et l’autre le reformule jusqu’à ce qu’il y ait un accord sur ce qui a été dit et entendu, là aussi avec le soutien du / de la facilitateur-ice. Lorsque cela a eu lieu, chacun-e des membres du cercle est invité à exprimer à son tour ce que tout cela lui fait, et comment il / elle prend sa part de responsabilité dans l’histoire, et une réparation concrète est décidée. Un « après-cercle » rendra compte déjà de tout cela. Chacun-e dans la communauté grandit en conscience de cette conflictualité collectivement transformée.

Tout cela peut sembler candide – mais ne naissons-nous pas tou-te-s innocent-e-s ? Les cercles restauratifs sont nés dans les favelas de Rio de Janeiro, où la violence n’est pas une abstraction. Leur effet sur les communautés est important depuis leur développement dans les années 90, et c’est un long chemin. Les quelques mots posés ici ne disent bien sûr pas grand-chose de la profondeur et de la cohérence de l’ouvrage co-créatif et coopératif de facilitation que peut représenter la mise en place de systèmes restauratifs pour nos communautés : c’est à vivre.

En Suède, où l’on souffre bien moins, dans l’ensemble, des difficultés économiques qu’au Brésil, le record mondial de faible criminalité semble pouvoir être lié (au moins en partie) à l’interdiction de tout châtiment corporel sur les enfants, depuis trente ans. Qui doute encore qu’une culture de paix durable et entretenue génère effectivement la paix ?

Une telle pratique ne se mène évidemment pas sans systèmes de soutiens bien organisés, et c’est là un chapitre à part entière, sur lequel je reviendrai bientôt dans ce blog. Pour l’instant, rajoutons encore seulement quelques mots du réseau sur lequel par défaut tous les systèmes de soutiens restauratifs peuvent possiblement s’appuyer.

Les communautés restauratives sont extrêmement inclusives, et elles sont bien organisées déjà (bien que la pratique soit assez récente). Elles sont même exemplaires, tant du point de vue de l’attention collective que des outils de coopération à distance. Pour donner une idée, le réseau francophone s’appuie sur Facebook ou Yahoo mais surtout sur Framavox (où il a migré depuis Loomio !), sur plusieurs wikis et sur des rencontres Zoom co-facilitées de façon conviviale entre le Québec et le vieux continent. Probablement, la CNV n’y est pas pour rien, elle qui inspire la justice restaurative (JR) et cherche à défaire en effet la violence dans nos relations… et les fruits patiemment mûris dans des bidonvilles brésiliens, et encore quelques morts violentes n’y sont pas pour rien non plus. « On ne traite pas toujours impunément les conflits », comme dirait le vengeur masqué4.

Les systèmes restauratifs qui se reconnaissent comme tels, les groupes de soutien solides et les communautés régénératives accomplies sont en revanche peu nombreuses. Elles sont très émergentes encore… Pour être exact, il faudrait plutôt écrire « relativement peu nombreuses » : relativement à la surface du globe, à l’ampleur de la tâche, à la profondeur de la compréhension requise. Car nous sommes tout de même déjà un certain nombre ! Pour beaucoup aussi (dont les nôtres), toutes ces communautés inspirées par la JR sont en cours d’auto-conscientisation, de structuration et/ou de reliance au réseau international. Cependant, la force, la justesse et la cohérence remarquable de cette émergence déjà laissent présager quelque chose de grand et beau.

J’ai entendu dire qu’au Brésil, les cercles de construction de la paix étaient encore plus répandus que la JR, bien qu’elle y soit née : son principal accoucheur est d’ailleurs… un immigré britannique (^;

(à suivre…)

1 L’île d’utopie est connue pour être le premier livre décrivant une société idéale… et qui n’existe pas encore (Horizons)

2 En français, on peut consulter avant tout le wiki « systèmes restauratifs ». Dans le Mooc « gouvernance partagé », Julien Berlusconi propose une vidéo « Approche systémique et positive des conflits » qui est une bonne entrée en matière.

3 Il peut y avoir une nuance avec cet élément de nomenclature posé ici (1.intro) car le « cercle » restauratif est potentiellement très large. On peut même imaginer des enregistrements et retransmissions télévisuelles de certaines rencontres restauratives, qui seraient susceptibles de concerner la communauté humaine au-delà du « Nous » initial, si c’est pleinement consenti par les parties prenantes bien sûr, et que l’intention est ajustée.

4 Le petit Nicolas de Sempé et Goscinny mériterait peut-être sa place en Annexe0 plus que d’autres références plus sérieuses, finalement. Mais ça me semble trop vertigineux de l’envisager encore à la veille de l’impression.

***

La série « Critikreso », qui reprend, reformule et complète la fin du traité SociocultureS (cf onglet dédié, section Horizons.Panarchie) c’est plus pour poser des jalons et chercher des pistes pour faire avancer des réseaux dont je fais partie et où je contribue par ailleurs de mon mieux.

« Critikréso #1 » (renommé ainsi a posteriori) portait sur le réseau (francophone) du Travail qui relie, et l’article « Ecologie profonde #3 » en profitait pour partager quelques ressources utiles en la matière.

Je reprendrai sans doute certains de ces textes pour poquer de nouveaux onglets ici-haut, « Pleine conscience / vipassana », « Co-écoute », « Systèmes restauratifs / systèmes dialogiques » et « Écologie profonde » … Chaque chose en son temps ! en attendant, ya un bouton de recherche à droite et ça suffit bien.

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