Ya-t’y comme un doute sur le commun bien ?
Notre époque connaît une tension sociale, économique et écologique qui atteint des sommets presque incroyables, du jamais vu. Quand je dis ça plein de gens me regardent encore comme si je disais des conneries, comme si l’histoire se répétait simplement.
Et pourtant non, pas exactement : c’est factuellement inédit c’qu’on vit. Quantifiable. Écarts de revenus et de répartition des richesses, disparitions d’espèces, taux de suicide, de radium et de pétrole, températures moyennes, dette publique, ventes de drogues et occurrence de tempêtes. « Ya pas d’quoi rire » comme disait Brigitte. Et de rire, inadapté-e-s que nous sommes elle et moi et toi sans doute un peu beaucoup pas du tout aussi si tu lis ça (^;
« Rire ou pleurer, j’hésite » comme écrivait aussi la camarade Babouillec, autiste sans parole qui en sait long sur le monde où elle est née, depuis l’début qu’elle a rudement fourché à y coopérer. On va plus ou moins loin dans le refus des normes, nous autres.
Heureusement que les méditant-e-s et les militant-e-s équilibrent : n’empêche que la tension elle, monte encore. Sacré potentiel changement politique et existentiel vers… quoi ? qu’est-ce qu’on veut ? ben, la paix, la liberté et l’amour, tou-te-s les humain-e-s sont plus ou moins d’accord là-dessus non ? Tant qu’on reste sur les grands principes.
Alors plus sérieusement, merci à Hervé pour cette réflexion initiée autour d’un mot essentiel : COMMUN ! Parce que le bien, tout le monde voit à peu près ce que sait : personne n’aime les rhumes, tout le monde aime les câlins (si tu as pris soin de changer de vêtements cette semaine ?), personne n’aime se prendre une balle dans la tête, tout le monde aime le chocolat (ou sinon en tout cas, ça se soigne, ou bref on en fait pas une maladie) Mais quand on se demande ce qui est bien commun, là pour l’heure, ça se gâte encore dans la conscience humaine, si conditionnée encore à la rareté et à la compétition.
Dans un dictionnaire (partagé) du Langage de Chair, ça qui nous faut pour briser les Gangues de bois, cf ci-d’ssous Novarina, cf aussi ici (à la toupie) ou là (sous les pavés en bas), commun occupe ainsi une place de choix.
Les communautés fondées autour des nouveaux usages des technologies numériques (communautés assez virtuelles ou bien campées selon) ont en effet ramené ce mot-là sur le devant de la scène en parlant des Communs tout court, réactualisant ainsi une notion venue du moyen-âge et qui s’appliquait alors à des biens très matériels. Aujourd’hui, on l’emploie souvent pour parler de biens immatériels, de savoirs, d’outils collectifs, d’images etc… Des Communs créatifs donc, comme dit le label open source, plus ou moins soucieux des questions de paternité.
Concernant les outils numériques cependant, s’ils se veulent de bien commun, comme le soulève Hervé c’est la question de la convivialité qui se pose aussitôt. Le numérique est à mes yeux paradoxal ou border-line dans sa contribution à notre société. A double tranchant. Dans les deux sens du Convivial (habituel et Illich-convivialiste) il y a potentielle tension :
– Sur internet, il y a tant à boire et à manger… et surtout pour les yeux, pour l’esprit. Des études sur l’intelligence collective montrent que notre coeur est aussi bien à l’ouvrage quand on travaille par ordis interposés. N’empêche que pour le corps, vous repasserez (^; Et quand on descend à ce stade-là dans la matière, on se rappelle aussi les mines de silicium et les gigafrigos à données, assez indigestes au fond pour la terre et nous. Ainsi, les outils numériques sont avant tout des outils de transition. Eux aussi sont amenés à décroître à moyen terme dans une vision permacole.
– Selon les domaines et les approches, la « participation » à la mode et la contribution réellement collective au bien commun qu’ils permettent est plus ou moins effective, plus ou moins biaisée. Les outils sont parfois si complexes… Sans parler même de celles et qui ne sont pas à l’aise avec l’écriture, ou qui n’ont pas d’accès facile à un ordi, les programmes les plus performants qui y sont développés nécessitent souvent des compétences particulières, longues et ardues à acquérir. Une vraie maîtrise de tous les outils spéciaux développés par les technologies numériques ne saurait (ni aisément ni utilement) être donnée à tout le monde. Ainsi les rôles programmateurs ou de community manager doivent se penser à l’échelle sociétale : ça devient une question politique.
Ces deux aspects de la question peuvent effectivement se résoudre dans un rapport social aux outils numériques, infiniment plus collectif que les usages actuels qu’on en fait par ici (plus proche en revanche de ce qui est vécu je crois dans maints endroits d’Afrique, par nécessité). L’ordinateur-même, outil unique et partagé à l’échelle a minima d’un village ou d’un immeuble par exemple, pourrait alors peut-être devenir un outil vraiment convivial.
Par ailleurs, c’est bien au-delà du champ de la connaissance qu’il faut penser et vivre les Communs. Peut-être que les chemises des cadres d’Air France déchirées récemment nous parlent aussi d’une telle urgente ré-incarnation…
Et puisque d’un mot forgé pour parler de ce qui est on-ne-peut-plus-concret on entre soudain à pied joints, comme par surprise, dans un champ lexical lié au spirituel – mais quelle autre convergence que celle du politique et du sacré, pour penser le bien partagé de l’humanité sur cette planète ? pointons un autre jeu de mot très élémentaire (entre autres salvateurs clichés aujourd’hui dans l’air, rafraichi un peu de ces vieux relents d’hyper-humiliation-de-ce-qui-est-simple-et-humble) :
Ce qui est bien dans le Bien Comme-Un, c’est qu’il est si plein de diversités (^;
D’où la force de la comparaison : j’ai dit « comme », camarade, j’ai pas dit qu’on est Un. Et si pourtant nous vivions vraiment nos vies comme si nous étions vraiment une partie de Gaïa ? ce serait bien, ça aussi non ? comme euh comme idée comme projet comme devenir comme lieu comme… einh ?
Quoi ? vous n’y croyez pas ? bah, c’est pas grave, on change si vite d’opinion !
En attendant on peut toujours signer la déclaration universelle des droits de la Terre http://www.declarationuniverselledesdroitsdelaterre.org/fr/Accueil.html
ou bien la Charte remarque… http://www.earthcharterinaction.org/contenu/pages/La-Charte-de-la-Terre.html
Ma préférée je crois que c’est celle-là quand même : http://www.rightsofmotherearth.com/declaration/droits-de-la-terre-mere/