L’échute : rater mieux
On peut tomber très mal, mais on peut échouer très bien.
L’échute, c’est une échéance qui n’était pas prévue, c’est quand tu t’échoues – ou quand tu fais échouer un bateau / une boîte / une idée sans prévenir. Rien à voir avec chavirer ou sombrer : dans une échute de qualité, rien ne coule et personne ne se fait mal.

« Réussis, fils ! Succède-nous, fille ! » : notre civilisation est malade de ça, succès, réussite, accomplissements sûrs et peur de l’échec. Surtout ne jamais « faillir », que ce mot est drôle…
Pourtant rien ne se réalise jamais sans beaucoup de ratés. On apprend à tenir debout en se retrouvant assis de nouveau un paquet de fois sur les fesses – qui sont d’ailleurs bien rebondies exprès.
L’écrivain euphoriquement tourmenté que fut Samuel Beckett a consacré tout un opus, Cap au pire, à chercher comment « rater encore, rater mieux ».
Mais heureusement, « le pire n’est jamais sûr ». On a beau vouloir la défaite, c’est toujours l’amour qui gagne à la fin – car en réalité, que pourrions-nous vouloir d’autre ? À quoi bon craindre la mort, la perte ou le bannissement ?
Ce qui doit arriver arrivera, comme disent les Upanishads. Qu’avons-nous encore à « perdre » ou à « gagner » ?
Si nous cherchons comment vivre les choses avec grâce…
La coopération ne renverse pas les équilibres essentiels, elle échoue les vieilles stratégies, les anciennes habitudes de stimulation compétitive en particulier.
Car accomplir un objectif, ça a parfois du sens ! Mais vaincre ou anéantir, terrasser ou capituler, triompher ou abdiquer, écraser, décimer, niquer, se faire mettre une pâtée… bof : laissons tout cela mourir tout-e seul-e ?

Selon le rivage et la fierté, le navire abîme ou non sa quille, s’affaisse plus ou moins mollement de côté sur le sable. Ça repose. La prochaine grande marée, quand ? On a le temps de refaire le plein de fleurs et de légumes en tout cas.
On restera là le temps qu’il faudra, et cette île pour nous aura sûrement bien du sens. Explorons le suspens et la terre ferme un moment, pourquoi vouloir sans cesse conquérir de nouveaux horizons, produire toujours et encore, manger plus vite l’espace et sa durée ?
Échouer laisse aux poissons la chance et la place de se reproduire tranquilles un moment.
Le seul risque, avec l’hyper-addiction Yang, croyance limitante, hybris qui étrangle le vieux monde : quand le vaisseau lui ne fait rien que de se déposer – ainsi – pour un temps, être ce capitaine qui craindrait que ce soit « pour toujours » – c’te blague – et se jeter de désespoir à la mer.
Et encore d’ailleurs : l’espoir et son absence, sont-ce des risques vraiment ?
Nous n’avons pas besoin d’une « seconde âme », ô malheureu-seS/x (Goethe) ! Une nous suffit bien
Et puis surtout, elle est accueillante, la mer ! pour les montagnes qui ont besoin d’un peu d’air, d’un rien de renouveau, d’une revanche qui soit belle ou … d’un retour aux Sources ?
Jetons-nous y donc au besoin allez, nuEs si possible /

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